Extrait d'un entretien avec le Dr D. DUFOUR que vous pouvez retrouver dans le magazine
"Inexploré" n°38 de l'INRESS

Libérer ses émotions pour guérir
« Une émotion bloquée,
c'est de l'énergie bloquée... »
Méconnu du corps médical comme des victimes, le stress post-traumatique est à l’origine de troubles psychiques et physiques extrêmement handicapants, voire mortels s’il n’est pas diagnostiqué puis soigné. Le docteur Daniel Dufour assure qu’on peut en guérir et non pas « survivre avec ».
Dans votre dernier ouvrage, Le bout du tunnel, vous présentez le trouble du stress
post-traumatique (TSPT). Pourquoi est-il si mal connu du corps médical, comme des personnes qui en souffrent ?
Premièrement, c’est relativement récent, on a commencé à en parler avec le retour des vétérans du Vietnam dans les
années 1970, mais leurs symptômes étaient classés dans « les troubles anxieux ». C’est seulement en 2013 que les Américains se sont rendu compte qu’il y avait plus que cela et ont créé le TSPT.
Cela ne veut pas dire que la gent médicale n’était pas au courant, mais c’est un mal complexe parce que les manifestations sont très diverses et multiformes selon les gens. Du coup, le réflexe
n’est pas de rechercher la cause des troubles, ce qui est malheureusement assez commun dans la médecine « classique ». Deuxièmement, on en a peu parlé dans les médias. Troisièmement, la plupart
du temps, les personnes qui en souffrent se cachent. Et enfin, quatrièmement, on a attribué ces troubles aux soldats, mais pas aux policiers ni aux gardiens de prison ou au personnel soignant et
encore moins aux personnes violées, abusées ou ayant vécu des catastrophes naturelles, alors qu’ils sont tous totalement victimes du TSPT. Avec ce qui se passe aujourd’hui concernant le
harcèlement, c’est important de prendre conscience que le panel est plus large.
Vous l’avez étudié parce que vous en avez vous-même souffert ?
Oui, j’ai travaillé dans des pays en guerre et en rentrant en 1987, ce trouble est apparu, mais je ne savais pas de quoi je souffrais. Les deux psychiatres qui m’ont beaucoup aidé ne le savaient
pas non plus. C’est en accompagnant moi-même des patients dans ma nouvelle pratique que j’ai compris d’où venait mon mal. Petit à petit, j’ai mis au point une méthode pour le soigner. Ce n’est
pas simple, mais faisable d’en guérir et non pas juste survivre avec, ou en amoindrir les symptômes.
Vous distinguez deux types de maladies : la maladie fatalité et la maladie
message…
Il est important d’aborder sa guérison en fonction de cela. Le concept de la « maladie fatalité », celui de la médecine classique, ou de l’approche matérialiste, va chercher à traiter les
symptômes et non pas leurs causes. On a un virus ou une cellule anormale pour un cancer, on pose un diagnostic et on va lutter contre. Cela explique les traitements. Mais on ne va pas chercher à
comprendre ce que le corps délivre comme message à travers la maladie. Alors que notre corps, qui est notre meilleur ami, essaye de nous dire « écoute, tu fais quelque chose de faux avec toi-même
». Il s’agit souvent de la négation de sa propre personnalité ou de la négation de ses émotions.
Vous avez créé la méthode OGE (à l’envers de l’EGO). En quoi consiste-t-elle
?
Il est important de définir l’ego, ou le mental, qui n’a strictement rien de positif, dans le sens où sa première caractéristique est de nous couper du moment présent.
La colère est souvent perçue comme négative.
C’est-à-dire qu’il nous place soit dans le futur avec les appréhensions, les peurs, les anxiétés,
les angoisses, la perte de confiance en soi que cela génère (et souvent on ressent déjà une tension dans le corps), soit dans le passé avec les culpabilités, les remords, les regrets... Le
premier « pilier » de ma méthode, que l’on retrouve dans toutes les bases de méditation depuis des centaines d’années, est de porter son attention sur son corps physique et sensoriel pour revenir
dans « l’ici et maintenant ». Mais ce n’est pas parce qu’on revient dans le moment présent qu’on est forcément bien. Dans ce cas, on est face à la deuxième caractéristique du mental : on est
coupé de ses émotions. Le deuxième pilier de la méthode OGE va donc être de reconnaître que l’on a une émotion et de la ressentir pour pouvoir ensuite la vivre, parce que cela ne fonctionne pas
du tout si on la ressent sans pouvoir la vivre. Enfin, la troisième caractéristique du mental, ou de l’ego, c’est de nous couper de la personne que nous sommes : notre enthousiasme, notre
spontanéité, notre créativité, notre noyau fondamental qui nous relie au « tout », à l’univers. Le troisième pilier de la méthode sera donc de nous reconnecter avec qui l’on est.
Concrètement, comment faire pour éteindre le mental
?
C’est simple à expliquer, mais difficile à mettre en pratique. Cela peut être de bouger ses orteils, d’être attentif à la flexion de ses pieds ou à l’eau qui coule sur notre corps quand on se
douche, ou cela peut être le fait de sentir l’odeur du café le matin, ou de toucher son stylo. Bref, c’est porter attention à quelque chose qui nous relie à notre corps physique et sensoriel. Et
ce n’est pas en le faisant qu’une fois par jour que cela marche, mais 10, 100, 1000 fois… Les gens disent qu’ils n’ont pas le temps, mais ce n’est pas une méditation à part entière, juste une
attention portée à l’un de nos sens, en évitant la vue parce qu’elle génère 70 % des pensées…
La deuxième phase de votre méthode consiste à exprimer ses émotions. Est-ce avec le thérapeute que cela se passe ?
Notre corps est notre meilleur ami.
Non, pas forcément... Dans le cadre du TSPT, pour des personnes sévèrement atteintes, il vaut mieux
être accompagné par un thérapeute, oui, mais cela peut se faire sans. Si l’on parle d’une approche de la maladie, quelle qu’elle soit, cela peut se faire seul chez soi. Par exemple, la colère est
une émotion mal aimée, souvent considérée à tort comme négative. Ce qui est négatif, c’est de la bloquer. Elle peut être libérée en hurlant dans son oreiller chez soi ou en criant dans sa
voiture, ou dans la nature en tapant sur une souche d’arbre, mais l’expression doit être physique, en ouvrant la bouche. Les pleurs aussi doivent être « vrais », comme font les enfants… La joie
qui s’exprime doit être au-delà du « je suis content », ce sont des rires, quelque chose de physique. Cette libération se fait pour soi- même, et non pour les autres ou à l’encontre des
autres.
Il faut donc exprimer l’émotion sur l’instant et ne pas chercher à l’expliquer ?
Oui, mais sur l’instant ce n’est malheureusement souvent pas possible. Si vous êtes en colère contre votre patron, vous ne pouvez pas lui hurler dessus. Il va falloir différer. Pour cela, il faut
éteindre le mental et revivre la scène jusqu’au moment où vous auriez eu envie de hurler, de pleurer ou de rire, faire un arrêt sur image à ce moment-là pour bien ressentir l’émotion bloquée, ce
qui est loin d’être agréable, et ensuite l’exprimer pour soimême afin de se faire du bien.
Dans l’un de vos livres, vous parlez du concept de pensée créatrice. Quelle est sa force ?
La pensée créatrice, c’est quand on a accès au troisième pilier de la méthode OGE, à la personne que nous sommes avec notre créativité, notre enthousiasme, notre inventivité. Se dire « de quoi
ai-je envie, dans ma vie, que mettre en place ? » et non pas « que faut-il que je fasse… », mais ce n’est pas quelque chose qui va forcément passer par le cerveau, même si cela passe par
l’élocution. Cela vient d’une partie en soi. Si on réfléchit en termes de physique quantique, c’est explicable : on va, dans l’infini des probabilités du monde quantique, en puiser une pour la
faire sienne. Par exemple, « j’ai envie de guérir » et non pas « il faut que je guérisse pour mes enfants ». Je pose cette question aux patients qui viennent avec des pathologies lourdes, même si
ce n’est pas facile : « Est-ce que vous avez envie de vivre ? » et très souvent les réponses ne sont pas positives…
C’est une question difficile parce qu’elle ramène la personne à elle-même. En majorité, on me répond « évidemment j’ai envie de vivre, sinon je ne serais pas chez vous… », mais quand je demande «
oui, mais pour qui ou pour quoi ? », eh bien j’obtiens tous types de réponses : « pour mes enfants, pour les autres », mais rarement « pour moi » ! La pensée créatrice, c’est se ramener à
soi-même en étant au centre de sa vie et non dans la personne « fonction » (le père, le métier) afin de sentir de quoi j’ai envie et non d’être limité à ce que je dois faire pour assumer mes
fonctions correctement. Mais cela ne peut arriver qu’à partir du moment où l’on a éteint ce fichu mental. Après, le plus difficile est de rester dans le moment présent et non d’être dans
l’attente de la matérialisation. Parce que malheureusement, le réflexe souvent consiste à se mettre dans l’attente que cela se matérialise. Du coup, que reçoit-on ? De l’attente…! Il faut être
dans le moment présent, sans être dans l’attente. On n’a aucune prise sur la matérialisation. Elle viendra on ne sait pas quand, mais on peut la freiner en étant dans l’attente.