UNE VIE AVANT LA VIE
Imaginons que nous ayons des vies antérieures. Est-il possible de les toucher du doigt ? Dans quel intérêt et avec quelles précautions ?
Perceptions
Hetizia Sakkmesterke
« Vous avez été troubadour
dans une vie antérieure, me dit un jour un énergéticien. Sous couvert de divertissement,
vous dénonciez les injustices. Vous avez été emprisonnée, puis tuée. Vous en gardez une difficulté à vous dévoiler. » Je l’ai écouté, dubitative… Jusqu’à ce qu’une amie
clairvoyante m’annonce la même chose. Un accès à d’autres existences serait-il donc possible ? Direction le cabinet d’Anne-Sophie Servantie. Diplômée de l’Institut international d’hypnose
spirituelle, cette fille de médecin ne consulte plus, mais s’intéresse toujours à la question. Pour arriver chez elle, il faut quitter la gare de Lagny et traverser le pont qui enjambe la Marne,
ses rives, ses cygnes et ses saules pleureurs. Quel symbole… « L’hypnose procure un protocole solide
pour expérimenter ces mémoires par soi-même », indique-t-elle. Un fauteuil en cuir noir, une couverture rouge. D’un ton doux, elle m’amène à un état relaxé. « Tout ce dont vous avez besoin pour ce voyage intérieur est en vous », dit-elle. Quelques exercices de
lâcher-prise, « pour permettre à l’information de circuler librement » et elle me
demande de me voir traversant un portail lumineux, derrière lequel m’attend ma « conscience supérieure ». Depuis cet espace, Anne-Sophie Servantie teste ma capacité à faire surgir un souvenir
d’enfance, puis m’invite à m’élever jusqu’à un corridor pourvu de multiples portes. « Laissez-vous
guider vers l’une d’elles, donnant accès à une vie importante », propose-t-elle. Derrière mes paupières, une scène prend forme. Je vois, je suis un homme. Accroupi dans une
clairière, je prépare un rituel. Étrange : l’énergéticien avait évoqué aussi un passé de chamane, «
très spirituel, mais isolé dans la nature ». Anne-Sophie Servantie poursuit : «Quel
âge avez-vous ? Comment êtes-vous vêtue ? Que percevez-vous d’autre ? »
Des émotions et des intuitions affleurent. Je suis au Canada. Est-ce le fruit de mon imagination
? « Savoir que l’on est capable de percevoir ses mondes intérieurs est déjà un
pas, commente la praticienne. Les histoires qui surgissent sont très différentes
d’une personne à l’autre. Elles élargissent la vision que l’on a de soi, ainsi que de la vie. » Elle me demande de me projeter vers d’autres scènes. Les images ne sont pas
toujours précises, mais la sensation associée est prégnante. « Comment vivez-vous cette vie de
l’intérieur ? », interroge-t-elle. Sans m’identifier complètement, je sais ce que ressent cet homme, je reconnais le poids qui l’habite. Est-ce réel ? Symbolique ? S’agit-il
vraiment d’un souvenir ? M’appartient-il, ou suis-je allée le cueillir dans un champ plus vaste ? «
Je n’en sais rien, admet Anne Sophie Servantie, mais l’expérience montre qu’il y a
des choses à en apprendre, pour accéder à des savoirs ou dénouer des blocages. »
Évolution karmique
Claire Thomas est médium. Installée entre Toulouse et Paris, elle dresse le panorama de nos incarnations. « De vie en vie, nous répétons des schémas, jusqu’à en comprendre assez la leçon pour les
désamorcer, explique-t-elle. Identifier l’origine de nos difficultés permet de les
reconnaître et de mieux y réagir. Nous ne sommes pas victimes, mais responsables de notre karma. » Rien à faire que lui donner son prénom et sa date de naissance. À partir de ces
données, elle identifie par numérologie où nous en sommes dans notre évolution, puis laisse venir les flashs. Elle expose, fait une pause, demande mentalement des précisions. Elle me parle d’un
homme en Libye, dévoué aux autres, mais finalement très seul. D’une femme en Algérie, lapidée pour avoir tenté d’affirmer sa liberté. « Depuis, vous vous protégez, vous peinez à vous dire », souligne-t-elle. Les histoires s’enchaînent, des
récurrences apparaissent. Les personnages, les lieux, les époques ne résonnent pas forcément, mais l’enseignement que Claire Thomas en tire parle indéniablement des élans de mon âme, des facettes
de ma personnalité, des aspects que je dois travailler. Comme si l’important n’était pas où et quand, mais l’empreinte émotionnelle laissée par certains moments. En sortant de chez Anne-Sophie
Servantie, je retraverse le pont, je cours après mon RER. Je suis de retour dans cette vie.
« Vous allez intégrer ce qui est bon, et vous libérer de ce qui
n’est plus utile, m’a-t-elle prédit. Un lien se fait, entre vous et vous, ou entre
vous et l’univers. Je me souviens d’une femme, coincée dans un rôle de victime. Ses régressions, très éprouvantes, ne parlaient que de ça. Un an plus tard, elle avait changé de poste et de
relations. » Identifier n’est pas toujours suffisant.
« Il y a trois phases : entendre, accepter,
changer, précise Claire Thomas. Chez certains, la prise de conscience crée un
déclic. Les autres devront bouger quelque chose pour avancer. » Une explication basée sur les souffrances d’existences passées n’a d’intérêt que si elle amène à se connecter à sa
sagesse intérieure et à se prendre en main. D’autant qu’atteindre ces mémoires n’est pas un jeu.
« J’ai vu des gens s’enfoncer dans
l’illusion, concède Anne-Sophie Servantie. Ne gobez pas tout ce que l’on vous dit,
expérimentez,
écoutez vos ressentis. » Et vérifiez la qualité de l’accompagnant – on ne se retrouve pas face à son inconscient impunément.
Auteure : Réjane REAU