PAS DE MOTS

 

Quand on perd ses parents,

on s'appelle orphelin

Quand on perd son épouse,

alors on s'appelle veuf

Quand on perd sa jeunesse, bien entendu,

c'est vieux que l'on devient

Mais quand on perd son gamin, y a pas de mot

 

Il n'y a pas de nom pour décrire le père

Celui qui borde son garçon au cimetière

Jamais un seul poète, un seul pasteur, jamais un seul auteur n'a eu assez de lettres

pour tant de douleur

 

Quand on perd la raison, bien sûr

on s'appelle fou

Et puis on s'appelle pauvre à perdre trop de sous

Quand on perd la mémoire, tout de suite on

est qualifié d'amnésique

Mais y a des choses qu'aucun mot n'explique

 

On aura beau fouiller les plus

vieux dictionnaires

Posséder le plus vaste des vocabulaires

Décortiquer Baudelaire, jusque sous terre,

Jusqu'à son dernier vers

 

Il n'y a pas de mot, pas de manière

D'appeler le parent d'un enfant qui n'est plus

Il n'y a pas de mot pour ça qui soit connu

 

Quand on perd ses parents,

on s'appelle orphelin

Quand on perd son mari,

alors on s'appelle veuve

Quand on perd son petit, c'est évident,

il n'y a pas de mot

 

Pourtant il y en a des mots qui nous émeuvent

Mais là, il y en a aucun,

il y a vraiment rien à dire

On ne sait même plus trop si on a

le droit de vivre

Mais bon on vit quand même, on vit tout simplement pour ne pas crever

On rit pour ne pas pleurer des flots sans rive

 

Oui, on vit parce que lui, il ne pourra

plus le faire

On vit parce qu'on se dit que sans doute,

il en serait fier

 

Quand on sauve un enfant, on s'appelle héros

Mais quand on en perd un, y a pas de mot

Pas de mot

 

 

 Lynda LEMAY